jeudi 6 décembre 2012

Mon grand-père et l'Assistance Publique

Un sujet qui revient souvent lorsque je parle généalogie, ce sont les enfants "abandonnés".
Beaucoup de personnes sont confrontés à ce problème, et certains n'osent pas vivre l'aventure généalogique, persuadés que ces recherches seront vaines et sans intérêt.
Je suis moi-même confronté à cet épineux problème, mon grand-père paternelle faisant parti de cette grande famille du "service des enfants assistés", dans la catégorie si "joliment" appelé  "des trouvés"....




Un mot sur l'assistance publique :
Avant la Révolution française, l'abandon était tout aussi courant, et seul un Edit d'Henri II avait pour but de freiner ces abandons et meurtres d'enfants....Début du 19éme siècle, cette assistance fut "départementalisée" et des fonds furent débloqués pour venir en aide à ces enfants de la République.
Cela dit, à la lecture de certains dossiers, j'ai l'impression que ces enfants étaient baladés de famille en famille pour apporter une main d'oeuvre peu chère...






Mon grand père est né le 28 octobre 1922 à Châtellerault (86).


Son acte de naissance nous apprend peu de choses par rapport à un acte "classique".






Le 9 novembre, sa mère vient auprès de l'Assistance Publique pour l'abandonner. Plus de dix jours pour faire cette démarche, j'imagine que le choix n'a pas du être facile, et que cette démarche était réfléchie et qu'il n'y avait pas d'autres choix. La rumeur familiale dit que c'est parce que Maurice a été abandonné dans la commune de Coussay-les-Bois qu'on lui a donné ce nom de famille.
J'aime imaginer que ce choix est une sorte d'indice pour essayer de retrouver la trace de sa vraie mère, mais je suis un grand rêveur puisque le procès-verbal qui le confie à l'Assistance Publique ne nous apprend absolument rien sur l'origine de sa mère.




Il est bien précisé que la "fille mère a déclaré ne vouloir donner  aucun renseignement".


Vraiment aucun renseignement.....

Et le dossier se poursuit par les différents placements que mon grand-père a connu jusqu'à sa majorité en 1943 (majorité qu'il a eu pile poil pour partir faire son Service du Travail Obligatoire en Allemagne dont je vous parlerai dans un futur billet....).


De 1923 à 1935, il est placé chez la veuve Rousseau, et à 14 ans quand il est en âge de travailler, il sera envoyé dans les fermes, à la demande de citoyens cherchant des enfants.
Dans les dossiers, on retrouve même ce genre de demande, demande qui fait un peu froid dans le dos je trouve....


 C'est pour cela que je dis que j'ai vraiment l'impression que les enfants étaient de la main d'oeuvre à pas cher qu'on pouvait renvoyer s'il ne convenait pas.
L'adoptant devait verser un salaire à l'enfant qui travaillait, et chaque année, le contrat était renouvelé ou pas...


Mon grand-père lui même intervient sur un contrat pour signaler que le salaire demandé est trop élevé. J'imagine qu'il devait se sentir bien dans cette famille et n'avait pas envie de partir...



Dans ce contrat de placement, on retrouve aussi chaque dépense du pupille, pour ne pas qu'il y ait d'abus, et vraiment toutes les dépenses sont indiquées : 


On retrouve aussi dans ce dossier, les notes d'inspections qui avaient lieu tous les deux ans :


Une visite à domicile toutes les deux ans, où souvent le pupille est absent, j'ai du mal à imaginer la pertinence de ces contrôles, mais bon, c'était comme ça....

Avant sa majorité, mon grand-père a été suivi par un tuteur de l'Assistance Publique, et ce tuteur semble représentait l'autorité paternelle pour lui, car même quand il est en Allemagne, c'est à lui qu'il écrit, et souvent d'ailleurs.

Le dossier d'Assistance Publique ne nous apprend pas forcément l'identité des parents d'un enfant confié à ce service départemental, mais  il permet tout de même de retracer le parcours d'un aïeul jusqu'à sa majorité et de s'imprégner un peu de la vie qu'il a pu mené.
Si vous voulez plus de renseignements sur ces dossiers, n'hésitez pas à me contacter :)

9 commentaires:

  1. Bouleversant ! J'ai pour des recherches eu à faire à ce type de dossier, en l'espèce la personne abandonnée à Paris et confiée à une famille nourricière dans le Morvan, demandait régulièrement à l'AP si il existait des informations sur sa mère biologique ! Un crève-coeur ! Merci d'avoir partagé ces documents !

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  2. Bonjour,
    Cet article est très intéressant. J'ai eu l'occasion de consulter les dossiers de deux de mes ancêtres, tous les deux orphelins : l'une à Paris et l'autre dans la Meuse. Après avoir vu le dossier très incomplet de mon ancêtre parisienne, je ne pensais pas en découvrir autant dans le dossier de mon arrière-grand-père meusien. J'y ai découvert un grand nombre de documents et lettre qui m'ont appris énormément sur sa vie.
    J'ai d'ailleurs eu le même sentiment que vous en y découvrant des lettres d'une personne chez qui il avait été placé : j'ai eu l'impression que pour cet homme, ces enfants ne représentaient vraiment que de la main d’œuvre.
    En tout cas, ces recherches sont toujours très émouvantes. Merci de les avoir partagées !

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  3. Votre message est très intéressant et émouvant. Je suis moi-même sur la trace de mon arrière grand père né en 1860, élève de l'hospice de Valenciennes. Malheureusement les archives départementales ainsi que les archives municipales de détiennent pas (ou plus) le dossier le concernant. merci d'avair partagé celui de votre grand-père cela nous en apprend pas mal sur la façon dont étaient considérés ces enfants !!!!!! Bonne continuation dans vos recherche futures.

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  4. Merci à tous pour vos messages !
    Effectivement, nous sommes nombreux à rencontrer ce "problème", j'ai donc pensé qu'il serait intéressant de partager le contenu d'un dossier de l'assistance publique :)

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  5. Bonjour Fred,

    J'ai le même dossier, celui de mon grand-père également. Il a été abandonné à 6 ans par son père. La lettre qu'il a laissé sur l'enfant est effarante.
    La lecture de l'enquête de police concernant l'abandon donne un aperçu du genre de personnage qu'était son père.
    J'ai aussi une "photographie" des conditions de vie de ses grand-parents, mes a-a-gp et de sa mère, qui n'ont pu le sortir de l'hospice car jugés trop pauvres.
    A sa majorité, sa grand-mère a demandé à revoir son petit-fils. Lire cette lettre est très émouvant, encore maintenant.

    Pour l'anecdote, tout comme ton grand-père, mon grand-père a été placé. Enfant de l'hospice de Paris, il s'est retrouvé dans l'Yonne, à quelques kilomètres de mon domicile actuel.
    Autre point commun, mon grand-père a du être bien traité dans cette ferme de l'Yonne, car sa famille d'accueil était présente à son mariage, et son témoin n'était autre que son "père adoptif".

    Merci pour ce beau témoignage.

    Sophie

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  6. Article intéressant et beau témoignage. On trouve aussi de nombreux enfants trouvés à Tournai (Belgique) comme je le relate sur mon blog (E comme enfants trouvés) - http://gewapi.blogspot.be/

    Damien

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  7. Je ne suis pas confrontée à l'abandon dans ma généalogie et je n'y connais pas grand chose. Merci pour ton article :)

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  8. Merci pour vos messages :)
    Un futur article de prévu sur le départ de mon Grand-père en Germanie....

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    1. c'est terriblement émouvant, merci c'est un trésor pour les descendants, j'ai une question, ma mère qui est encore en vie était une pupille de l'assistance publique, pensez vous que je puisse demander son dossier ? alors vous allez me répondre qu'elle le demande elle même, mais je n'ai pas beaucoup de contact avec elle, faut dire qu'elle à abandonné 6 enfants à l'assistance dont moi même, du coup je n'ai pas beaucoup d'information sur cette famille maternelle.

      je vous remercie de m'avoir lu et peut être d'une réponse

      Nicole

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