lundi 4 mars 2013

Ad perpetuam rei memoriam...

Vu dans les registres paroissiaux de la commune de Basses (86), cet écrit à la "mémoire éternelle du fait", beau témoignage du terrible "Grand Hiver" de 1709 !

Vous pouvez cliquer sur les images pour les agrandir


Pour [?] à tous ceux qui ce présent liront, ils doivent remarquer que dans l'année 1709, Dieu par une colère tout à fait grande envoya un hyver qui fut le rude et que jamais ne fut homme qui en ait vu un pareil et j'ai appris [qu'ils sont ...?] passé un tel. La grande gelée commença le sixième janvier de l'année ci-dessus, à neuf heures ou dix heures, il tomba d'abord comme un climat qui promptement resserra la terre ce que continuant jour et nuit, les plus chaudes fontaines glaceront et sans cesse jusqu'au vingt et deux avec grandes neiges qui selon l'ordinaire conserveront les blés les mettant à couvert des risques de l'hiver mais tout le contraire [mais ?] les bruleront et d'autant plus qu'il gela rudement dans les premiers jours et qui plus est cette neige étant ayant été agitée par le vent et changeant de place souvent, les petits blés étaient exposés à geler et regeler. Non seulement les blés se ressentirent de cette alarme, les noyers, les vignes à fruit, les vignes hautes en moururent et les chênes et autres gros arbres de toute sortes d'espèces en périrent, principalement les noyers et les amandiers. Nous ne doutèrent pas que cela ne causais une mauvaise suite.






















Du vingt trois au vingt quatre, il se fit quelque [grâce de ?], ce qui commença à consoler les peuples et il y avait encore resté des blés dans les lieux bas et humides et aqueux...
Dieu par un [surcroit ?] de colère envoya un temps de gelée et de neige qui quoiqu'il ne paru pas avoir tant de rigueur que le premier fit plus de tort, ce qui continua tout le temps de l'hiver par plusieurs reprises, ce qui attrista fortement le peuple le peuple en sort que ne voyant point d'espérance de cueillir des froments on se mit en tête d'en faire au mois de mars contre les défenses du Roy de non défaire les champs ensemencés mais ils ne [remplirent l'ensemencement ?] et perdirent leurs semences et leur travail. Le blé et le vin monta à un prix excessif [a un écu et plus même de cette ?...]

Le vin cent francs quatorze écus et les baillerges et [drogiers ?] à proportion davantage car ce fut le seul record étant hors dépendance de pouvoir rétablir le pays de long temps en froment à la fin. Contre l'ordonnance et défenses des intendants de la part du Roy, on se détermine à défaire les [?] ou l'on aurait mis du froment et on y mit de la baillerge qui coutait trente soles quarante le boisseau qui vint en abondance en sorte que s'il n'en n'eut point fallut en envoyer ailleurs, ailleurs elle n'eut pas valu quatre à cinq soles mais elle n'a pas laissé d'offre chère jusqu'à ce jour.
Deux cents cinquante [sous ?] la fourniture [mineure ?] de Saumur et ici la bonne vingt sept le boisseau en quelque temps et en [matière ?], elle ne fut point au dessous des douze soles ce qui a fit bien souffrir les pauvres et causa bien des troubles.




En sorte qu'on ne soit point en sureté de sa vie surtout lorsqu'on était riche en blé, on ne pouvait enlever de blé sans encourir le danger de le perdre et il arriva de grands désordres et il y eut même des rebelles qui furent punis. En fin, tout était en consternation, les grands seigneurs comme les pauvres en ressentiront [?] pour soit par compassion ou étant obligé de venir [vendre ?] dans leurs maisons de campagne ou retrancher leur [hain ?].
Le Roy pour empêcher la famine entière et [prémunit à la greffe ?] qui en est une suite ordonna qu'on fit des rôles dans chaque paroisse devant le curé et procureur du Roy et deux des meilleurs habitants pour taxer tout ceux qui avaient du bien au sol la [?] selon les deux tiers de leurs biens et l'autre tiers [seront ?] pour eux cela apportera du secours pour ceux qui étaient des paroisses mais non pas aux vagabonds qui furent cependant obligé de se [vêtirent ?] autant que cela se put faire.
La récolte fut fort tardive comme nous sommes [?] n'y ayant pas pas de froment ainsi on cueillait du baillerge fort [verte] et il eut des endroits ou il en fut enterré de nuit, baillerge et autre blés



Mais en temps venu de l'entière moison, on commença à respirer et Dieu donna une telle bénédiction au grain de baillerge que le pain en était blanc et se faisait aussi bien que s'il y avait eu du froment en sorte qu'il n'y avait point de distinction de paysan à [bouvier ?], de [bouvier ?] au bourgeois, du bourgeois au gentilhomme à moins qu'ils ne fussent riches passablement et qu'ils n'eussent pas grande famille. Il ne  [parle ?] point des prêtres étant obligés de parler bien de mes confrères, il s'y laisse à notre jugement. Pour moi ils n'ont avoir pas manger qu'à ce jour et n'étaient pas [en veille ?] d'en manger mais il ne nous assure pas l'avenir. Dans cette consolation, on ne sait pas de ressentir bien du chagrin, la prise étant toujours très haut comme nous aux remarques ci dessus et la peine dans laquelle on était de [l'ensemencement] des froments car quoi qui est dit qu'il en avait été dans quelques lieux, Dieu, par une punition surprenante permit qu'ils rendent tout [broues ?] en sorte qu'on fut obligé de les cueillir [tout verts ?], ce qui causa une grande perte à ceux qui en avaient et ils sont [?] qui [la nuits] acheté pendant par la racine cent soles et six francs le boisseau mais le Roy par un arrêt annula tous ces marchés au dépens d'en faire d'autres et de vendre des blés ailleurs que dans les [marchés ?]



et rendit par une déclaration par laquelle il était porté que tous ceux, nobles, bourgeois et artisans, et de quelque condition que le [...?...] fut dans la quinzaine à aller déclarer le blé qu'il pouvait avoir en quelque espèce que ce fut pour pourvoir aux semences en blés [vieux ?] et aux [?] de faire donner par ses ses
[recours ?] de l'argent à chaque paroisse pour en acheter. Il s'en découvra plusieurs qui pêcheront contre l'ordonnance dont les blés furent confisqués et envoyés aux galères non obstant toutes [...].
Le blé nouveau se vendoit pas moins d'un [écu ?] et plus et pour animer les peuples à ne laisser pas les terres incultes il était permis d'ensemencer les terres des autres après leur avoir fait une sommation et de servir des bêtes à labourer mais cela n'arriva, on s'efforça les uns et les autres à semer une partie des terres, se proposant de semer le reste en baillerge mais tout d'un coup. Le blé vient à [?] à trente soles et vingt cinq du [passe metail ?].

Cela fit qu'on ensemença presque tout.

A mon égard je laissé quatre septriés tenant dans une pièce seule, près la loge, prévoyant que la semence valoit plus que la terre, cependant, je cueillis bien un quart de [métail ?] que je refermé pour les [vins ?]. Il ne s'en cueillit point [?] eu qu'un quart, il ne fallait point prêcher contre la gourmandise du vin quoique le Diable n'y perdit rien, le désir en restant toujours dans cette disette de froments, il [?] une grosse difficulté pour le paiement des gros des curés des rentes et des portions monacales.
le Roy rendit plusieurs arrêts mais pour finir il en rendit un définitif qui voulait qu'on paye pour trois boisseaux de froments, quatre de baillerges pour quatre boisseau de [métail ?], cinq et cinq boisseaux de seigle six, mais pour les fermes à froment (outre celles des moulins qui furent privilégiés), et les gros et pensions, cela fut réservé au jugement du parlement [royal ?].

 

Ce qui s'est passé de triste et de remarquable dans l'année 1709, que j'ai jugé à propos de laisser à la postérité n'ayant pu voir aucun écrit qui ait mentionné d'un tel froid que celui dont nous sommes de lire tels funestes suites on peut [?] qu'il ne sera et point fait un tel puisque nous [...?....] qui sont plus de cent, deux cents et trois cents ans il a cependant resté quelqu'un dans des endroits [et dans la cure ?], de l'enclos, dans la pièce de terre environ un [cousain ?] de Basses.
  Ce 14 janvier 1710. David, Curé de Basse

J'ai essayé de retranscrire tout cela dans un français actuel, en y incluant la ponctuation. Cependant, quelques termes restent difficile à définir, alors les mots entre [], si vous arrivez à les transcrire, je suis preneur ! :)
Il se peut même que  j'ai commis quelques fautes de retranscription, à force d'avoir le nez dessus, ce n'est pas impossible.

En tout cas, beau témoignage d'un curé ! Grâce à eux, on en sait un peu plus sur les conditions de vie de nos aïeux !



1 commentaire:

  1. Magnifique témoignage ! J'adore.
    Dans ces circonstances tragiques, je me permets de trouver particulièrement cocasse le commentaire du curé concernant le vin : "pour les vins il ne sen cueillit point jenen eu quun quart il ne falloit point prescher contre la gourmandise du vin quoy que le diable ny perdits rien le defis".
    D'autres témoignages dans le Maine et le Perche, un peu moins diserts certes, sur le "grand hyver" de 1709 : http://www.yvongenealogie.fr/2012/02/histoire-de-france/grand-hiver-de-1709-dans-le-maine-et-le-perche/
    Même conclusion : "Ad perpetuam Vis memoriam" !

    RépondreSupprimer