La famille BOBENRIETH est originaire d'Alsace, près de Mulhouse.
Après la défaite de l'armée française en 1870, l'Alsace est redevenue prussienne poussant de nombreuses familles à rejoindre les départements frontaliers pour regagner le territoire français.
Ce fut certainement le cas des familles BOBENRIETH et BURGLE.
Martin BOBENRIETH et Elisabeth BURGLE, deux aïeux de mon épouse, se rencontrèrent ainsi à Troyes.
Il s'y marièrent le 7 mai 1881, et eurent 5 enfants : Rosalie, Camille, Elise, Martin et Augustine Julie.
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Rue Fortier - Famille Bobenrieth 1896 |
En 1896, Martin était teinturier, Elisabeth était ménagère, et toute cette petite famille résidait rue Fortier à Troyes.
Puis, je perds cette famille de vue, ils ne sont plus à Troyes en 1906.
Leur fille Augustine Julie, arrière grand-mère de mon épouse, rencontrera Jean-Marie Georges ROULON. Ils auront deux enfants ensembles juste avant la Grande Guerre. William est né vers 1911, Andrée Claire, en 1913, à Nogent sur Seine.
Une famille somme toute normale au début des années 1910, avant que Jean-Marie Georges ne soit mobilisé et parte rejoindre l'armée française. A son retour en 1918, il eut la désagréable surprise de retrouver sa femme Augustine enceinte. Il partit donc sur le champ, et je n'ai plus aucune trace de lui ! Il a dû partir en emmenant leur fils William, car lui non plus n'est plus présent auprès de sa mère.
Augustine a donc accouchée en 1919 d'une petite Raymonde.
Pendant ce temps, Elisabeth, la mère d'Augustine a repris un café du côté de
Mailly-la-camp dans l'Aube.
Ce café, du nom de "Café du Progrès" se trouve rue de la Colombière.
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Recensement Mailly-le-Camp 1921 |
On la retrouve sur le recensement de la commune en 1921, avec sa fille Augustine, et sa petite fille Andrée, ainsi qu'un employé François NOBLET.
Et c'est le recensement de 1926 qui nous apporte quelques "précisions" sur la situation.
Francois NOBLET est présenté comme le "concubin" d'Augustine, et effectivement, il est bien le père de la petite Raymonde. Pourquoi n'est-il pas présenté ainsi en 1921 ? Je pense qu'ils ont voulu garder le secret pour ne pas "traumatiser" Elisabeth qui était alors âgée de 65 ans ou/et ne pas causer de souci professionnel.
Et lorsque celle-ci décède (entre 1921 et 1926), ils ont pu alors afficher clairement cette liaison, mais ceci n'est qu'une hypothèse personnelle...
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Recensement Mailly-le-Camp 1926 |
Toujours est il qu'à la mort d'Elisabeth, c'est Augustine qui reprend la gestion du Café du Progrès, aidée de son compagnon François.
Et c'est en 1926 que le drame se déroule !
A l'époque, Mailly-la-Camp recense presque 3500 habitants, notamment dû à la présence de l'énorme camp militaire.
Il y a donc plusieurs commerces, et les querelles de commerçants qui vont avec.
Tout laisse à croire que c'est une de ces querelles qui pousse Léon BERAT à abattre Augustine en août 1926.
Léon BERAT est un ancien poilu. En 1924, il s'installe à Mailly-le-Camp où il monte un établissement qui fait à la fois café et salon de coiffure, dans la demeure familiale, rue de la Colombière.
Cet commerce se nomme le "Café de la passerelle".
On retrouve d'ailleurs ledit Léon sur le recensement de Mailly-le-Camp de 1926 ci-dessus...
Selon le rapport de police, Augustine Bobenrieth n'avait pas vraiment un caractère facile, et aimait à colporter quelques ragots sur la femme de Léon BERAT, madame JEGO, avec laquelle elle avait eu une vive altercation un mois auparavant au lavoir.
En ce 12 août 1926, après une journée bien arrosée, Léon se rendit au "Café du progrès" où il voulait payer l'apéritif à François NOBLET et à Martin BOBENRIETH, le frère d'Augustine, qui l'avaient aidé à réparer sa moto.
En entrant dans l'établissement, il tomba nez à nez avec Augustine, et de là, une altercation éclata. Augustine prist une gifle qui la renversa sur une table. Ne se laissant pas impressionner, elle saisit un nerf-de-boeuf et asséna un coup très violent à Léon, qui lui blessa un oeil ! Et là, c'est le drame! Léon rentra chez lui et saisit son revolver (avant de recevoir quelques soins et d'appeler la maréchaussée). De retour au Café du progrès, il entra arme au poing, et tira. François NOBLET prit la première balle alors qu'il venait à sa rencontre ! Puis Léon continua de faire feu, il toucha aux poumons le caporal Joseph LABOULAIS qui tentait de s'interposer, et Augustine à l'estomac, avant de mettre en joue Mlle Guyot, une domestique qui eut la chance de se trouver face à un revolver qui n'avait plus de balles !
Cette scène dramatique se déroula sous les yeux d'Andrée, grand-mère paternelle de ma femme, et de Raymonde, sa demi-soeur...
Heureusement pour François Noblet, il avait dans sa poche de chemise un porte-feuille bien rempli qui stoppa la balle! Il ne fut donc que blessé ! Augustine, quand à elle, mourut quelques heures plus tard dans une clinique de Troyes,
Le caporal LABOULAIS mourut dans l'heure, laissant une femme et deux enfants.
Pour ce coup de folie, Léon BERAT ne fut condamné "qu'à" 8 ans de travaux forcés. Il eut droit également à la double peine comme tous les bagnards ! 8 ans au bagne de Cayenne, et un peu moins de 6 ans d'exil en Guyane, au lieu de 8 ans, suite à une remise de peine.
Pourquoi une peine si courte ? Je pense que plusieurs facteurs entrent en jeu.
Tout d'abord, c'était un ancien combattant de la Grande Guerre, qui avait été décoré. En outre, on peut facilement imaginer que le patronyme d'Augustine à consonance allemande n'a pas aidé à calmer les rivalités entre ces deux familles. De plus, la vie pas forcément exemplaire d'Augustine n'en a pas fait une victime "idéale". Enfin, Léon BERAT était sous l'effet de l'alcool, ce qui pouvait être considéré comme une circonstance atténuante à l'époque... Toujours est-il qu'il échappa à la peine capitale pour se rendre aux travaux forcés.
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Archives Aix-en-Provence |
Il revint donc à Mailly-le-Camp en 1940. Pour la petite histoire, il est enterré à deux tombes d'Augustine Bobenrieth, dans le cimetière de Mailly.
Retrouvez tout le récit des faits dans la presse de l'époque :
Lien
Concernant la famille ROULON, je suis toujours à sa recherche, je n'en trouve aucune trace ! J'aimerai également retrouver la trace de William ainsi que celle de la petite Raymonde. Ces recherches vont être longues, peut-être qu'un lecteur du blog, un jour, m'aidera dans cette quête :)
[Depuis, j'ai retrouvé la famille ROULON du côté de Potangis (51) !
Enfin, je voulais remercier
Alain DOMMANGET pour son aide précieuse aux archives départementales de l'Aube. Et bien sûr un grand merci aux cousines Lisa et Gina BARREDO, les mémoires de la famille ROULON :)