vendredi 5 août 2011

Du sang sur le zinc...

La famille BOBENRIETH est originaire d'Alsace, près de Mulhouse.
Après la défaite de l'armée française en 1870, l'Alsace est redevenue  prussienne poussant de nombreuses familles à rejoindre les départements frontaliers pour regagner le territoire français.
Ce fut certainement le cas des familles BOBENRIETH et BURGLE.

Martin BOBENRIETH et Elisabeth BURGLE, deux aïeux de mon épouse, se rencontrèrent ainsi à Troyes.
Il s'y marièrent le 7 mai 1881, et eurent 5 enfants : Rosalie, Camille, Elise, Martin et Augustine Julie.

Rue Fortier - Famille Bobenrieth 1896
En 1896, Martin était teinturier, Elisabeth était ménagère, et toute cette petite famille résidait rue Fortier à Troyes.

Puis, je perds cette famille de vue, ils ne sont plus à Troyes en 1906.
Leur fille Augustine Julie, arrière grand-mère de mon épouse, rencontrera Jean-Marie Georges ROULON. Ils auront deux enfants ensembles juste avant la Grande Guerre. William est né vers 1911, Andrée Claire, en 1913, à Nogent sur Seine.

Une famille somme toute normale au début des années 1910, avant que Jean-Marie Georges ne soit mobilisé et parte rejoindre l'armée française. A son retour en 1918, il eut la désagréable surprise de retrouver sa femme Augustine enceinte. Il partit donc sur le champ, et je n'ai plus aucune trace de lui ! Il a dû partir en emmenant leur fils William, car lui non plus n'est plus présent auprès de sa mère.
Augustine a donc accouchée en 1919 d'une petite Raymonde.

Pendant ce temps, Elisabeth, la mère d'Augustine a repris un café du côté de Mailly-la-camp dans l'Aube.
Ce café, du nom de "Café du Progrès" se trouve rue de la Colombière.
Recensement Mailly-le-Camp 1921
On la retrouve sur le recensement de la commune en 1921, avec sa fille Augustine, et sa petite fille Andrée, ainsi qu'un employé François NOBLET.

Et c'est le recensement de 1926 qui nous apporte quelques "précisions" sur la situation. 
Francois NOBLET est présenté comme le "concubin" d'Augustine, et effectivement, il est bien le père de la petite Raymonde. Pourquoi n'est-il pas présenté ainsi en 1921 ? Je pense qu'ils ont voulu garder le secret pour ne pas "traumatiser" Elisabeth qui était alors âgée de 65 ans ou/et ne pas causer de souci  professionnel. 
Et lorsque celle-ci décède (entre 1921 et 1926), ils ont pu alors afficher clairement cette liaison, mais ceci n'est qu'une hypothèse personnelle...

Recensement Mailly-le-Camp 1926
Toujours est il qu'à la mort d'Elisabeth, c'est Augustine qui reprend la gestion du Café du Progrès, aidée de son compagnon François.

Et c'est en 1926 que le drame se déroule !
A l'époque, Mailly-la-Camp recense presque 3500 habitants, notamment dû à la présence de l'énorme camp militaire.
Il y a donc plusieurs commerces, et les querelles de commerçants qui vont avec. 
Tout laisse à croire que c'est une de ces querelles qui pousse Léon BERAT à abattre Augustine en août 1926.

Léon BERAT est un ancien poilu. En 1924, il s'installe à Mailly-le-Camp où il monte un établissement qui fait à la fois café et salon de coiffure, dans la demeure familiale, rue de la Colombière. 
Cet commerce se nomme le "Café de la passerelle". 
On retrouve d'ailleurs ledit Léon sur le recensement de Mailly-le-Camp de 1926 ci-dessus...

Selon le rapport de police, Augustine Bobenrieth n'avait pas vraiment un caractère facile, et aimait à colporter quelques ragots sur la femme de Léon BERAT, madame JEGO, avec laquelle elle avait eu une vive altercation un mois auparavant au lavoir.

En ce 12 août 1926, après une journée bien arrosée, Léon se rendit au "Café du progrès" où il voulait payer l'apéritif à François NOBLET et à Martin BOBENRIETH, le frère d'Augustine, qui l'avaient aidé à réparer sa moto. 
En entrant dans l'établissement, il tomba nez à nez avec Augustine, et de là, une altercation éclata. Augustine prist une gifle qui la renversa sur une table. Ne se laissant pas impressionner, elle saisit un nerf-de-boeuf et asséna un coup très violent à Léon, qui lui blessa un oeil ! Et là, c'est le drame! Léon rentra chez lui et saisit son revolver (avant de recevoir quelques soins et d'appeler la maréchaussée). De retour au Café du progrès, il entra arme au poing, et  tira. François NOBLET prit la première balle alors qu'il venait à sa rencontre ! Puis Léon continua de faire feu, il toucha aux poumons le caporal Joseph LABOULAIS qui tentait de s'interposer, et Augustine à l'estomac, avant de mettre en joue Mlle Guyot, une domestique qui eut la chance de se trouver face à un revolver qui n'avait plus de balles !
Cette scène dramatique se déroula sous les yeux d'Andrée, grand-mère paternelle de ma femme, et de Raymonde, sa demi-soeur...

Heureusement pour François Noblet, il avait dans sa poche de chemise un porte-feuille bien rempli qui stoppa la balle! Il ne fut donc que blessé ! Augustine, quand à elle, mourut quelques heures plus tard dans une clinique de Troyes,
Le caporal LABOULAIS mourut dans l'heure, laissant une femme et deux enfants.

Pour ce coup de folie, Léon BERAT ne fut condamné "qu'à" 8 ans de travaux forcés. Il eut droit également à la double peine comme tous les bagnards ! 8 ans au bagne de Cayenne, et un peu moins de 6 ans d'exil en Guyane, au lieu de 8 ans, suite à une remise de peine. 

Pourquoi une peine si courte ? Je pense que plusieurs facteurs entrent en jeu. 
Tout d'abord, c'était un ancien combattant de la Grande Guerre, qui avait été décoré. En outre, on peut facilement imaginer que le patronyme d'Augustine à consonance allemande n'a pas aidé à calmer les rivalités entre ces deux familles. De plus,  la vie pas forcément exemplaire d'Augustine n'en a pas fait une victime "idéale". Enfin, Léon BERAT était sous l'effet de l'alcool, ce qui pouvait être considéré comme une circonstance atténuante à l'époque... Toujours est-il qu'il échappa à la peine capitale pour se rendre aux travaux forcés.
Archives Aix-en-Provence
Il revint donc à Mailly-le-Camp en 1940. Pour la petite histoire, il est enterré à deux tombes d'Augustine Bobenrieth, dans le cimetière de Mailly.

Retrouvez tout le récit des faits dans la presse de l'époque : Lien


Concernant la famille ROULON, je suis toujours à sa recherche, je n'en trouve aucune trace ! J'aimerai également retrouver la trace de William ainsi que celle de la petite Raymonde. Ces recherches vont être longues, peut-être qu'un lecteur du blog, un jour, m'aidera dans cette quête :)
[Depuis, j'ai retrouvé la famille ROULON du côté de Potangis (51) !

Enfin, je voulais remercier Alain DOMMANGET pour son aide précieuse aux archives départementales de l'Aube. Et bien sûr un grand merci aux cousines Lisa et Gina BARREDO, les mémoires de la famille ROULON :)

9 commentaires:

  1. Bonsoir
    Augustine et Jean Marie étaient ils mariés ? Si oui il doit y figurer la date de naissance de Jean Marie et en demandant un acte de naissance,avec un peu de chance il y aura inscrit en marge son décès...mais peut être y avez vous déjà pensé !
    Et idem pour William....cela a dû être difficile pour cet enfant d'être arraché à sa maman et de ne plus jamais la revoir,et qu'est ce que son père a bien pu lui raconter ???!!!
    Histoire à suivre donc !!!!

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  2. Bonjour Moi :)
    Et bah je ne sais même pas s'ils étaient mariés, et les archives de l'Aube en ligne ne me permettent pas de le savoir. Un voyage aux archives départementales va s'imposer je pense :)

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  3. Et bien voila, j'ai retrouvé la piste de la famille ROULON ! Jean Marie Georges est né à Nogent sur Seine dans l'Aube en 1886, et ses parents sont originaires de Potangis dans la Marne...

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  4. super ! Voila une bonne nouvelle ,maintenant il n'y a plus qu'à chercher!!!!
    Et William,est -il né à Nogent sur Seine ? si oui en demandant son acte de naissance il y aura peut être inscrit la date de son décès en marge,et enfin savoir peut être pas où il a passé sa vie mais d'en savoir un peu plus....si ça se trouve,il était avec son père pas loin de Nogent !!!
    Toujours donc une histoire à suivre !!!!!

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  5. J'ai effectivement commencé la recherche, et William est bien né à Nogent sur Seine ! Effectivement, j'ai demandé son acte !
    Pour info, la mairie de Nogent sur Seine m'a directement téléphoné pour les autres actes demandés ! très bon contact !

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  6. Bon et bien c'est super tout ça !
    Attendons donc la suite.
    Bon week end

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  7. Bonsoir Fred,

    Passionnante votre histoire bien que triste !

    J'ai trouvé des infos pour vous et des pistes de recherche à exploiter si ce n'est pas déjà fait!

    en 1926, Elisabeth BURGLE veuve BOBENRIETH n'est pas décédée mais habite chez son fils Martin cf. recensement Mailly le Camp p 19/38
    idem en 1931 p 15/46

    Elisabeth est décédée à Mailly le Camp le 15.12.1939 cf. registre des successions 1938-1945 d'Arcis sur Aube p 10 / 181

    Son mari Martin BOBENRIETH est décédé le 4.11.1915 cf. registre des successions 1912-1926 d'Arcis sur Aube n°126 sous le nom de BOBENRIETHER et n°130. Il était âgé de 55 ans et était débitant à Mailly le Camp.

    Vous trouverez la succession d'Augustine page 26/184 registre 1912-1926. Il y est précisé qu'elle était divorcée de Jean-Marie ROULON. Le divorce a donc eu lieu entre son retour du front fin 1918- début 1919 et 1926. Avez-vous l'acte de mariage célébré à Villuis ? Le divorce a dû être mentionné dans cette commune.

    Avez-vous la fiche matricule de Jean-Marie ROULON sur laquelle devraient figurer ses résidences successives ? Avez-vous chercher du côté des anciens combattants ? Avez-vous consulté les successions de ses parents s'ils sont décédés après 1919 ?

    S'agissant de Raymonde BOBENRIETH, elle n'apparaît plus sur le recensement de 1931. Elle a alors 12 ans et est peut-être partie en apprentissage dans une ferme des alentours ou chez une tante... François NOBLET que vous supposez être son père est toujours à Mailly en 1931 comme commis livreur (p 15/46).Il l'a peut-être envoyée dans sa famille.v Avez-vous l'acte de naissance Raymonde née à Villemonble ? Vous pouvez chercher du côté du registre scolaire s'il a été déposé aux AD. Il y est parfois inscrit ce que font les écoliers à la fin de leurs études.

    S'agissant pour finir de William ROULON, je n'ai pas trouvé son nom dans les registres matricules de l'Aube. Son père et lui ont dû quitter le département. Vous pouvez chercher dans les départements limitrophes du 51 d'où était originaire la famille ROULON, du 52,21,77 et du côté de la Seine Saint Denis. Il y avait peut-être une raison pour que Raymonde naisse là-bas. Il y a encore la piste des registres d'école.

    Je sais que çà fait beaucoup de peut-être mais j'espère que çà vous aidera,

    Cordialement,

    Fan de généalogie

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  8. Bonjour Anonyme, dont j'aimerai connaitre l'identité pour vous remercier de façon plus sympathique :)

    Merci, effectivement, de toutes ces infos.
    Je sais que Jean Marie ROULON s'est remarié par la suite, effectivement dans un département limitrophe, le 77. Département ou est né Raymonde d'ailleurs....

    Elisabeth est donc morte en 1939, soit à l'âge de 82 ans...

    Je ne peux malheureusement pas me déplacer aux archives, car je suis sur Poitiers, donc j'irai un jour, c'est sur, mais présentement, c'est compliqué ;)

    Vraiment, encore merci pour toutes ces données, je vais fouiller sur certaines pistes que vous m'ouvrez, et je vous dirai si je trouve des choses :)

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  9. Bonjour , je m'appelle Franck ROULON petit fils de Williams , et fils de Jean pierre cousin de Annie, j'ai un fils que j'ai nommé Williams et qui a huit ans
    Appelez moi, gina, diana, patrick, lisa sont mes " petits " cousins.
    Franck : 06 85 14 14 81

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